Les organisations de la filière halieutique du port de pêche d’Abidjan, habituellement discrètes, ont décidé de briser le silence. Lors d’une rencontre avec la presse Ce samedi 7 septembre 2024, à Cocody, les acteurs de ce secteur vital ont tiré la sonnette d’alarme sur l’état critique de leur domaine d’activité, appelant à une intervention urgente de l’État.
La principale source d’inquiétude, selon les professionnels de la pêche, est le non-respect d’un décret présidentiel qui plafonnait le prix du kilogramme de « faux thon » à 400 FCFA. Ce manquement, selon eux, a entraîné une inflation galopante, poussant le prix de ce poisson à plus de 1.000 FCFA, rendant la situation insoutenable pour les mareyeurs, les usines de transformation, et les consommateurs.
L’un des membres de la filière, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a précisé : « Nous, professionnels du secteur, lançons un appel urgent à la Primature, à l’Inspection Générale d’État et à la Haute Autorité pour la bonne gouvernance, pour convoquer des États généraux de la filière halieutique. » Il a insisté sur l’urgence de cette concertation pour éviter une crise sociale majeure.
Conséquences d’un choix économique désastreux
Les acteurs de la filière halieutique dénoncent une pratique abusive des armateurs qui mélangeaient du « faux thon » avec du poisson de qualité pour maximiser leurs profits. Cette pratique, jugée désastreuse, a créé un déséquilibre dans le marché, avec des prix désormais plus élevés pour le « faux thon » que pour les poissons destinés à l’exportation en Europe.
Une usine avait d’ailleurs alerté les autorités en 2022 à travers un courrier qui signalait le manque d’approvisionnement dû à cette hausse des prix. Cette lettre, adressée au Ministère des Ressources Animales et Halieutiques (Mirah), visait à attirer l’attention de l’État sur l’urgence de prendre des mesures correctives.
Tentatives de réorganisation entravées
Un atelier tenu à Grand-Bassam en 2022 avait proposé des solutions pour restructurer le secteur halieutique, notamment en plafonnant à nouveau les prix pour six mois. Cependant, ce plafonnement n’a pas été suivi d’un nouveau décret, créant un vide juridique. Ce manque de suivi a laissé place à une inflation incontrôlée.
Pire, les tentatives de réorganisation de la filière par la création d’une interprofession regroupant les organisations du secteur ont été marquées par des irrégularités, selon les intervenants. La première Assemblée générale élective a été invalidée par le Mirah, et une seconde, organisée par le ministère lui-même, a exclu plusieurs organisations clés, accentuant ainsi les tensions.
Impact lourd sur les plus démunis
Cette crise affecte particulièrement les populations les plus pauvres, qui dépendent du « garba » un aliment de base à base de thon et d’attieké. Ces dernières années, le garba, autrefois accessible à tous, est devenu un luxe pour les familles démunies. « La situation actuelle trahit l’esprit du décret présidentiel, qui visait à protéger les plus vulnérables », ont déclaré les représentants de la filière halieutique.
Un appel à l’union et à la concertation
Conscients de la gravité de la situation, les acteurs du secteur appellent à la tenue d’états généraux pour redresser la filière. « Nous ne cherchons pas l’affrontement, mais des solutions concrètes. Nous croyons en la force de la concertation et de la persuasion », ont-ils souligné.
Sandrine KOUADJO et Autre presse