Aviculture :
Le nouveau gouvernement ghanéen veut relancer une filière avicole en détresse

Aviculture au Ghana

Au Ghana, la viande de volaille est l’une des principales sources de protéines animales avec le poisson. Le pays dépend pour plus de 80 % des importations pour satisfaire ses besoins en poulet.

« Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser ce secteur [avicole, ndlr] avec autant de potentiel continuer à se débattre », a déclaré Eric Opoku, ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture (MoFA), le 20 janvier dernier.

Ces mots du dirigeant, qui s’exprimait devant la Commission des nominations du Parlement, traduisent bien l’état actuel de la filière avicole ghanéenne qui fait face à une situation paradoxale. Sur le papier, la croissance de la consommation fournit un terrain favorable pour son essor.

Le pays représente en effet le second plus important consommateur de viande de poulet de la région derrière le Nigeria avec plus de 300 000 tonnes selon les données du Département américain de l’agriculture (USDA). C’est 6 fois plus que la consommation totale de la Côte d’Ivoire. Dans le pays, chaque habitant consomme 13 kg par an, soit plus du double du niveau per capita affiché au Sénégal. Et pourtant…

Aviculture au Ghana, Crise structurelle

Dans l’industrie avicole, le constat d’une crise est unanimement partagé par tous les acteurs depuis quelques années. La filière qui dans les années 80-90 était performante allant jusqu’à satisfaire 80 % des besoins locaux en viande de poulet n’est plus que l’ombre d’elle-même.

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Selon les données du Département américain (USDA), le pays n’a produit que 60 000 tonnes de viande de poulet, soit seulement 18 % de la consommation totale en 2023. Si ce taux d’autosuffisance reste faible, un examen plus approfondi des chiffres révèle une situation beaucoup plus critique.

En effet, au Ghana, ce sont les poules pondeuses de réforme qui fournissent plus de 90 % de l’offre domestique, les poulets de chair ne comptant que pour moins de 5 %. Cette structure de l’approvisionnement du marché est atypique en comparaison avec d’autres pays de la sous-région comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Dans l’ex-Gold Coast, la production commerciale de viande de poulet est un véritable parcours du combattant.

« Les coûts élevés de l’alimentation pèsent lourdement sur nos producteurs », reconnaît M. Opoku. Les matières premières comme le maïs et le tourteau de soja ont vu leur coût flamber en 2024 avec la sécheresse qui a frappé le nord du pays et affecté la production agricole.

Avec la baisse de 35 % des rendements du maïs, selon les estimations du Conseil ghanéen des céréales (GCC), les tarifs de la céréale ont grimpé mettant sous pression les fabricants d’aliments.

« Nous dépendons du maïs à hauteur de 50 à 55 % et du soja pour 30 % pour la production des rations »

« Nous dépendons du maïs à hauteur de 50 à 55 % et du soja pour 30 % pour la production des rations. Les prix du maïs sont passés de 200 cedis pour le sac de 50 kg en janvier à 360 cedis actuellement », avait expliqué en septembre dernier Eric Manteaw, sécrétaire exécutif de l’Association of Feed Millers of Ghana (AFMOG).

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Plus globalement, la production de poulets de chair est devenue plus coûteuse au Ghana depuis près de 5 ans avec les coûts de l’alimentation animale qui ont explosé aussi bien pour les producteurs qui fabriquent leurs propres rations que pour les manufacturiers.

Selon les données de l’USDA consultées par l’Agence Ecofin, le sac de 50 kg de maïs a vu son tarif quintupler depuis 2019, passant à 227 cedis en 2023 alors que les tarifs pour les mêmes quantités de provendes démarrage, finition et de tourteau de soja ont plus que triplé sur la même période.

D’après l’USDA, les acteurs encore engagés sur le segment misent sur une production saisonnière durant les périodes festives (Pâques et Noël) pour tirer profit d’une demande des consommateurs pour les poulets vivants.

Pendant ce temps, les importations de poulets ont augmenté fortement grâce à leurs prix plus bas, comparativement à l’offre locale.

Selon les données de l’USDA, les achats de viande de poulet sont passés d’environ 157 000 tonnes en 2012 à 253 000 tonnes en 2022, soit environ 80 % de la consommation du pays. Les principaux fournisseurs du pays sont les Pays-Bas, les USA, la Pologne, le Brésil et la Belgique.

Aux grands maux, les grands remèdes ?

Dans un tel contexte, le nouveau gouvernement affiche sa volonté de faire redécoller la filière grâce à une nouvelle feuille de route. Baptisée « Poultry Farm to the Table Programme », la stratégie a pour objectif principal d’augmenter la production et de réduire les importations.

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« Dans le cadre de cette initiative, nous comptons collaborer avec les associations de producteurs de volaille pour leur fournir les ressources financières dont ils ont besoin pour développer leurs activités et réduire le fossé énorme entre la demande et la production. Un autre aspect sur lequel nous voulons nous concentrer est la production d’aliments pour la volaille pour la rendre plus abordable et réduire le coût des aliments au Ghana », a expliqué M. Opoku. « Sous ma direction, nous allons travailler de manière infatigable pour changer les choses », a promis le dirigeant.

Si d’aucuns saluent déjà l’initiative en attendant des détails dans les prochains mois, l’annonce d’une dynamisation sonne comme un air de déjà vu pour d’autres acteurs. Les précédents gouvernements ont également tenu des discours volontaristes sur la refonte de la filière. Le plus récent, celui de Nana Akufo-Addo avait ainsi promis d’atteindre un taux d’autosuffisance de près de 13 % en 2024 et de 110,6 % à l’horizon 2028 dans le cadre de la seconde phase de l’initiative « Planting for Food and Jobs » (PFJ)… Le nouveau programme du régime de John Dramani Mahama réussira-t-il finalement là où ses prédécesseurs ont échoué ? Les éleveurs ghanéens ne demandent que ça.

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