Barbecue à l’ivoirienne :
« La viande locale est la meilleure », selon le Pitmaster N’Guessan-Zékré (reportage)

Pitmaster Nguessan Zékré

Pitmaster. Une profession méconnue sous nos tropiques. Mais un jeune ivoirien, Aryhel N’Guessan-Zékré, en fait son métier. Il est devenu aujourd’hui une figure de proue de la rôtisserie et du Barbecue en Côte d’Ivoire. BETAIL D’AFRIQUE l’a rencontré.

Le jeune Aryhel N’Guessan-Zékré compte ses clients parmi le commun des Ivoiriens que les personnalités qui se délectent de ses plats. Au-delà de la préparation classique, Pitmaster Aryhel Zékré offre du spectacle, mais par-dessus tout, privilégie la viande locale. Il est à la tête de l’entreprise ‘’ Aryhel Traiteur’’, créée il y a 5 (cinq) ans. Au départ il ne faisait que de la livraison de repas et de la réception. Aujourd’hui, il est le prestataire phare de plusieurs grandes soirées qui se déroulent à Abidjan et banlieues. La spécialité d’Aryhel traiteur, c’est le smoked Barbecue. Une technique peu ou pas répandue en Côte d’Ivoire qu’il pratiquait sans le savoir jusqu’à ce qu’il découvre son existence. Ce processus allie entre 3 et 4 types de cuissons ajoutées aux mélanges des saveurs d’épices exotiques. « J’ai une technique de cuisson qu’on appelle le smoked Barbecue. Ce sont les Pit masters qui le font, c’est quelque chose que j’ai découvert. C’était méconnu en Côte d’Ivoire, je le faisais sans le savoir. Après, j’ai découvert que c’est une pratique qui se faisait sous d’autres cieux notamment aux Etats-Unis. Je me suis donc documenté, j’ai acheté leurs livres, j’ai constaté que je le faisais déjà », reconnait-il. Pitmaster ou Maître du feu, Aryhel Zékré offre du spectacle à ses clients. Dans son univers, la viande devient l’attraction et le feu de cuisson, la mélodie qui l’accompagne. Ses actions rythmées, mêlées à la chaleur, à la fumée et aux odeurs des épices, plongent le client dans une atmosphère éblouissante et mystérieuse à la fois. La dégustation du plat est alors un pur moment de communion qui permet à celui qui a suivi toutes les étapes de la cuisson de déguster religieusement le produit obtenu. « Pitmaster traduit littéralement le maître du feu. Je ne suis pas chef cuisinier. Je me différencie de tout le monde parce que je ne fais pas que préparer. Je créé un spectacle autour de ma préparation. Je ne prépare pas en cuisine. Je prépare devant les gens », explique Aryhel N’Guessan -Zékré. Il privilégie, dans la plupart de ses mets, la viande made in Côte d’Ivoire, qui est la meilleure, selon lui. Pour ce faire, il n’hésite pas à mettre la viande locale et celle importée en compétition. « Je n’utilise que de la viande locale, sauf pour le magret de canard parce que je n’ai pas encore eu du bon magret local. Par exemple, la viande de bœuf locale rentre en compétition avec la viande de bœuf étrangère. Quand je fais mes prestations je mets les deux variétés sur les tables et demande aux clients de choisir ce qui est bon. Evidemment c’est pour la Côte d’Ivoire qui est la meilleure » indique-t-il.

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De la finance aux fourneaux

Bien qu’il offre une palette de mets à sa clientèle, celle-ci raffole des travers de porc. Son succès réside dans sa détermination, son sérieux et sa quête perpétuelle de la satisfaction de tous ceux qui le sollicitent. « J’aime ce que je fais, je me concentre sur ce que je fais et non sur les conséquences de ce que je fais. Il y a de nombreuses personnes qui se focalisent sur leurs gains. Cela n’est pas important pour moi. Ce qui compte, c’est que ce que je prépare doit être exceptionnel, et celui qui le mange doit être émerveillé. La satisfaction du client est le meilleur gain pour moi. Je suis assez intuitif quand je prépare, je ne cuisine pas en fonction des recettes que je vois ou que je lis, mais plutôt en fonction de ce que je ressens ce que je fais et pour qui je le fais. C’est vraiment par hasard », indique-t-il. Rien ne présageait pourtant un tel avenir pour Aryhel. Son parcours académique faisait de lui le prototype parfait d’un financier accompli. Après ses études en France et aux Etats-Unis, auréolé de plusieurs diplômes, il travaille pour un géant de la finance. Son retour en Côte d’Ivoire marque un tournant dans sa vie. Contre toute attente, il entre dans la restauration par pure hasard après avoir essayé d’exceller dans d’autres domaines. A la base, Aryhel N’Guessan-Zékré est financier banquier. Il a fait ses études aux Etats-Unis. Il est titulaire d’un MBA en marketing, d’un autre en Finance et d’un doctorat en microfinance. « J’ai travaillé à JP Morgan avant de rentrer à Abidjan. Mais quand je suis rentré à Abidjan je n’ai pas eu envie de travailler pour quelqu’un. J’ai fait un peu d’agriculture avec mon père qui est déjà dans le domaine, j’ai fait de l’élevage de porc et de là, je suis arrivé par hasard dans la restauration », relate-t-il, ajoutant que son choix n’a pas immédiatement rencontré l’assentiment de ses parents. « Mon père m’a dit : J’ai payé tes études et tu es devenu cuisinier, je lui ai dit que je ne suis pas cuisinier. Aujourd’hui il me dit tu es devenu un entrepreneur », dit-il.

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Pitmaster Nguessan Zékré

L’accident qui a failli lui coûter la vie

S’il exerce son métier avec passion, et se définit comme le maître du feu, Aryhel indique cependant que nul ne peut maîtriser cet élément de la nature dont il a été une fois victime. Cet accident, qui aurait pu le faire passer de vie à trépas, lui a laissé une marque indélébile. Il se souvient : « Le 3 décembre 2022, je m’apprêtais à aller faire une prestation à Assinie et la veille l’incident s’est produit. Il y a du gaz qui était resté dans mon fumoir et on a ouvert ; on a pensé que çà s’était échappé. On a rallumé. Lorsque j’ai fermé le tiroir de feu, le feu a rattrapé le gaz ; il y a eu un souffle de feu et j’ai été brulé au visage. Je suis parti aux urgences chez les grands brûlés où j’ai été pris en charge, j’avais les deux bras bandés ? Le lendemain, j’ai rassemblé mon équipe pour la prestation à Assinie au grand étonnement de certains collaborateurs. Je leur ai répondu que c’est mon client. S’il ne me voit pas, il ne sera pas à l’aise. Nous sommes partis et tout s’est bien passé », raconte-t-il. Le Pitmaster N’Guessan-Zékré s’est bâti une réputation au fil des années et des prestations. Son carnet d’adresse ne désemplit guère et il ne compte pas dormir sur ses lauriers. Des projets, il y en a à profusion, mais préfère procéder par étape, ne souhaitant pas se disperser. A tous ceux qui souhaitent se lancer dans ce business, M. N’Guessan – Zékré conseille de le faire d’abord par passion ensuite d’allier détermination et volonté. « La plupart des gens ont peur de ce qu’ils veulent. Ils se soucient plus du qu’en dira-ton et cherchent des raisons pour ne pas le faire. Se lancer dans ce qu’ils aiment. L’absence de moyens financiers n’est pas le problème, il faut de la volonté, le reste viendra, même des personnes qui souhaiteront investir dans votre projet », assure-t-il

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Par Mireille YAPO