Une situation compliquée pour les éleveurs car en plus des attaques djihadistes, des milices communautaires aussi menacent souvent les activités de l’élevage.
Au Niger, l’élevage occupe une place prépondérante dans l’économie nationale et familiale. Mais depuis 2012, les éleveurs rencontrent d’énormes difficultés liées aux attaques perpétrées par les groupes djihadistes dans plusieurs zones pastorales du pays.
Le sérieux de la menace djihadiste
Dans la région de Tillabéri, au nord de la capitale Niamey, les éleveurs sont parfois tués, menacés, intimidés et leur bétail emporté par les djihadistes. A cela viennent s’ajouter les conflits intercommunautaires et le changement climatique.
Selon le secrétaire permanent de l’Association pour la redynamisation de l’élevage au Niger (Aren), Boureima Dodo, ces éleveurs sont pris entre deux feux, entre les militaires et les djihadistes :
« Aujourd’hui, les éleveurs sont coincés entre les djihadistes, les forces de défense et de sécurité et même avec certaines populations. Ils sont obligés de quitter certaines zones, leurs zones habituelles, leur terroir. S’ils ne partent pas, ils ont souvent affaire aux forces de défense parce que les soldats pensent que ceux qui vivent sur ces terres-là sont complices des groupes terroristes ».
Beaucoup d’éleveurs ont fui leur terroir
« Mais s’ils partent », poursuit Boureima Dodo, « alors ce sont les terroristes qui pensent qu’ils sont de mèche avec les militaires, donc ils sont entre le marteau et l’enclume et aujourd’hui, malheureusement, beaucoup d’éleveurs ont fui leur terroir pour rejoindre les grandes villes », conclut-il.
Dans la zone des trois frontières, au contact entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso, où les djihadistes sont les plus actifs, les éleveurs poursuivent tant bien que mal leurs activités et ceux qui restent prennent le risque d’être tués avec leur famille. Ceci en dépit de la présence des militaires nigériens.
Terrorisés, beaucoup de ces éleveurs refusent de parler de leurs problèmes. Un éleveur difficilement retrouvé pour un témoignage, parlant sous le couvert de l’anonymat, nous confie :
« C’était une nuit, pendant que j’étais absent, deux gaillards enturbannés ont fait irruption chez moi pour réveiller madame et demander où j’étais. Ma femme a dit que je n’étais pas là, ils ont demandé où est-ce que j’étais allé et elle a dit que j’étais en voyage. Ils ont demandé où et elle a dit à Niamey ».
Il raconte que ces djihadistes ont « alors voulu savoir quand est-ce qu’il serait de retour et sa femme leur a répondu qu’elle ne savait pas pour combien de temps il serait absent »
« C’est suite à ça que j’ai eu peur moi aussi et j’ai trouvé refuge ailleurs », explique-t-il
Des statistiques choquantes
A ceci s’ajoutent les menaces des groupes d’autodéfense. Les statistiques du service juridique de l’Association pour la redynamisation de l’élevage au Niger ont ainsi enregistré les plaintes des éleveurs, de 2020 à juillet 2022.
Le nombre de têtes de bétail, toutes catégories confondues, emportées par les milices d’autodéfense dans les départements de Ouallam et Banibongou, situés au sud-ouest dans la région de Tillabéri, s’élève à 6.555 et 61 personnes ont été tuées par ces milices.
Afin de mettre fin aux conflits intercommunautaires dans le département de Ouallam, l’Etat du Niger, à travers le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, a signé avec les différentes communautés, le 4 juin dernier, un accord de paix dans la localité de Tondikiwindi, où la pression des groupes terroristes alimente les tensions.
Source : Autre presse