Sahel / Elevage :
Les vols incessants de bétail inquiètent les éleveurs de la zone des trois frontières

Bétail Sahel

Dans la vaste région du Sahel dites des trois frontières partagées par le Niger, le Mali et le Burkina Faso, un phénomène inquiétant semble avoir pris racine : le vol de bétail.

Ce fléau, qui avait déjà des précédents historiques, a cependant pris une nouvelle dimension avec l’émergence de l’instabilité croissante dans la région. Selon des recherches approfondies, cette activité illicite semble avoir évolué en une économie parallèle complexe, aux répercussions potentiellement graves sur le développement économique de la région.

Dr. Hamani Oumarou, enseignant chercheur à l’université de Niamey et directeur scientifique du LASDEL, explique cette situation dans une interview accordée au Studio Kalangou.

Un phénomène qui ne date pas d’aujourd’hui

Dr. Hamani Oumarou : Le vol de bétail n’a pas commencé aujourd’hui.  Toutes les thèses montrent que cette zone-là, les trois frontières, ont toujours été des zones insécures,  où le vol de bétail a toujours existé. Mais il a pris une ampleur différente maintenant avec le terrorisme ou l’insécurité, en termes de volume de bétail, mais aussi en termes de réseau.  Le réseau s’est beaucoup renforcé.

A LIRE AUSSI  Richard Turere primé pour sa torche qui protège le bétail contre les attaques de lions

Studio Kalangou : Dr, quelle est la destination de tous ces animaux volés ?

Dr. Hamani Oumarou : Je pense que la première destination, c’est les petits marchés locaux. Les animaux volés sont revendus sur les petits marchés, qui ne sont pas suffisamment fréquentés par les propriétaires.  C’est-à-dire que le voleur a toujours cette possibilité d’aller vendre l’animal très loin.  Deuxièmement, les acteurs qui travaillent dans le domaine du l’élevage ont révélé qu’il y a beaucoup d’axes de trafic de marchés. Certains parlent même de Niamey.

Les djihadistes volent et vendent le bétail

Vous avez les djihadistes qui, une fois qu’ils volent les animaux, ont tendance à aller les vendre vers le Mali.  On nous a révélé des axes vers le Nigeria. Pour ce qui sont du Niger, par exemple, pour ceux qui sont du Burkina, il y a des axes vers la Côte d’Ivoire.

A LIRE AUSSI  Kouassi Adjoumani et Sidi Touré ouvrent les stands de Côte d’Ivoire

Studio Kalangou : Comment expliquer le fait que ces hommes armés arrivent à voler des bétails et s’enfuir dans la nature sans être repérés ?

Dr. Hamani Oumarou : Les hommes armés vont exploiter les couloirs. Ils connaissent les couloirs, ils ont une très bonne connaissance de la topographie locale. Ils savent où passer, ils savent à quel moment prendre les animaux sans se faire repérer.

Mais surtout qu’ils ont des complicités aussi dans les villages.  Ça, il ne faut pas l’oublier. Dans les villages ou dans les marchés, qui les aident à écouler leurs produits rapidement. Certains parlent de démarcheurs, mais moi, je n’aime pas le mot démarcheur.  Je parlerai de complicité. Et ces complicités vont du petit petit vendeur du village jusqu’à un haut responsable qui fait partie du réseau des trafiquants de ces animaux.

Studio Kalangou : Quel avenir pour le l’élevage dans la zone des trois frontières ?

A LIRE AUSSI  Le ministre Laurent Tchagba veut relever les défis de la maîtrise de l'eau et de l'agroforesterie

Dr. Hamani Oumarou : C’est une question pertinente.  Pour ma part, j’ai envie de dire que l’avenir est sombre. Il est sombre parce qu’avoir un animal par le passé, c’était une bonne chose, c’était valorisant.

Avoir un animal dans la zone des trois frontières expose

Mais aujourd’hui, avoir un animal dans la zone des trois frontières vous expose. Parce qu’on peut vous arracher vos animaux.  Si vous refusez, on peut vous tuer.  Et ceux qui ont compris, essaient de déstocker une partie de leurs animaux, de les amener dans des zones plus sécurisées. Je pense qu’il faut renforcer la sécurité.

Moi, je m’adresse à l’État et l’État est le seul acteur principal pour voir des sécurités.  Surtout qu’on dit que l’élevage constitue une des mamelles de notre économie.  Il faudrait qu’on puisse préserver cette mamelle.  Parce que si jamais cette mamelle disparaît, c’est au moins 50% de notre économie qui risque de prendre un coup sérieux.

Source : Autre presse